Par Philippe Chalmin

La rentrée 2025 aura été marquée au coin des incertitudes tant géopolitiques, que politiques et économiques. Que dire, en effet, de la situation politique dans des pays comme la France et le Japon, mais aussi des États-Unis avec le « shutdown » ? À New York, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies, Donald Trump a enfoncé le clou, enterrant un peu plus le système promu par les États-Unis à San Francisco, il y a quatre-vingts ans. Quatre-vingts ans, au fond, ce n’était pas mal si l’on pense que l’ordre mis en place au traité de Vienne en 1815 n’avait duré qu’un demi-siècle jusqu’en 1865. Désormais, Donald Trump fait cavalier seul en quête de son improbable prix Nobel de la Paix (à la limite Barack Obama l’avait obtenu sans rien faire et on ne peut nier que Trump y mette quelque effort). Du côté de l’Ukraine, l’échec est patent (« Putin has let me down ») ; pour Gaza, les ouvertures sont là, et le plan Trump, accepté du bout des lèvres par le Hamas, donne quelque espérance même si une issue favorable, tant pour la Palestine que pour Israël, reste bien lointaine. Le meilleur indicateur de toutes ces incertitudes reste le prix de l’or, qui ne cesse de grimper au-delà maintenant de $ 3 800 l’once.
Pour le reste, à lire les marchés, on peine à croire que le monde marche sur des volcans. Certes, contre toute logique des « fondamentaux », le pétrole défie la gravité de ses excédents et se maintient à des niveaux soutenus au-delà de $ 65 pour le baril de Brent. Une fois les stocks chinois reconstitués, la chute risque de n’en être que plus rude. La plupart des marchés des métaux sont eux aussi excédentaires, même si quelques métaux critiques, comme le germanium ou l’antimoine, continuent à amuser la galerie. Quant aux marchés agricoles, en l’absence de toute adversité climatique, c’est l’abondance qui règne avec des récoltes record aux Amériques, en Australie ou en Inde. Les prix des grains sont tous orientés à la baisse et pour le blé, par exemple, on est aujourd’hui en dessous des coûts de production des producteurs français. La situation est la même aux États-Unis pour le maïs et le soja, mais là, le robinet aux subventions fonctionne (financées en partie par les recettes douanières !), ce qui sera de moins en moins le cas en Europe avec la fin de plus en plus programmée de la PAC. Il est vrai que les farmers souffrent d’autant plus qu’ils ont pratiquement perdu le marché chinois du soja et même du maïs au profit du Brésil et maintenant de l’Argentine. Face aux tarifs américains, les Chinois jouent subtilement de l’arme douanière : 25 % de tarifs sur le soja américain, 75 % sur le colza canadien, de 15 % à 65 % sur le porc européen. Le produit, par contre, qui reste le plus affecté par les tarifs trumpiens est le café au moins en ce qui concerne la cotation de l’Arabica à New York. Quant au cacao, si les cours sont logiquement en repli (plus de $ 6 000 la tonne quand même, mais la moitié du record du début de l’année), c’est le moment choisi pour augmenter le prix au planteur pour la nouvelle campagne (autour
de $ 4 000) à quelques semaines des élections présidentielles en Côte d’Ivoire… Plus que jamais et encore plus que l’énergie et les métaux dont l’importance économique est toute autre, les produits agricoles conservent un pouvoir symbolique au cœur de toutes les tensions politiques. Le « Dialogue sur le commerce des blés » de l’abbé Gallieni au XVIIIe siècle reste d’actualité !