Par Philippe Chalmin

Rarement, les « sanglots longs des violons de l’automne » auront été aussi déchirants qu’en ce début d’automne 2024 : de Gaza à l’Ukraine, du Liban au Soudan et même à la mer de Chine, tout n’est que tensions, guerres ouvertes, massacres… Les quelques véritables démocraties vacillent même avec la montée des populismes alors que partout les autocraties se renforcent.
Parler d’économie et de marchés dans ce contexte peut paraître dérisoire même si – nous le savons – la vie et les échanges se poursuivent : le conflit en Ukraine n’a pas empêché la pérennité des flux céréaliers de la mer Noire ; la menace autour du détroit d’Ormuz paraît encore lointaine ; certes la mer Rouge est moins fréquentée et il en coûte de faire le détour par le cap de Bonne Espérance (un mot qui prête à sourire quand on pense à la situation de l’Afrique du Sud) ; et la grève des dockers américains n’a duré que quelques jours…
Ne nous étonnons pas quand même que le meilleur indicateur des malheurs du monde, le prix de l’or, ne cesse de battre des records : plus de $ 2 600 l’once ! Il y a certes la saison des mariages en Inde, la baisse des taux de la Fed et de la BCE, l’appétit de quelques banques centrales asiatiques, mais il y a surtout la peur et le réflexe d’ultime protection des « investisseurs ». Car pour le reste, les marchés de matières premières – à l’exception de celles du petit déjeuner – n’ont pas brillé ces dernières semaines par leur euphorie. Il est vrai que deux interrogations majeures pèsent : l’élection américaine et la croissance chinoise.
Il est probable que l’élection du 5 novembre se jouera à bien peu de choses, à quelques voix dans le comté d’un état déterminant. Kamala Harris a remarquablement remonté le retard de Joe Biden et les deux candidats sont « neck and neck ». Bien sûr, une victoire de Donald Trump aurait des conséquences difficilement prévisibles sur la scène mondiale. Mais, en ce domaine, Kamala Harris est aussi une débutante…
L’autre interrogation concerne la Chine : non pas ses moulinets au large de Taïwan, du Vietnam ou des Philippines, mais la situation économique qui, malgré les annonces de mesures de relance, ne s’améliore pas suffisamment pour rendre crédible les 5 % de croissance annoncées au printemps dernier. On scrute donc avec attention l’évolution des importations chinoises de matières premières : le minerai de fer pour la construction, le cuivre et bien sûr le pétrole. Sur les neuf premiers mois de l’année, les importations de pétrole brut sont en recul. Peut-être la Chine a-t-elle atteint son « peak oil » avant même le « peak coal » ?
Le résultat en est un tassement de la plupart des marchés sauf menaces géopolitiques. Les fondamentaux du pétrole sont ainsi franchement orientés à la baisse avec le tassement de la demande mondiale et la montée en puissance de nouveaux producteurs aux Amériques. À la veille des frappes israéliennes au Liban, le baril de Brent était à moins de $ 70. La plupart des marchés des métaux restent moroses : le cuivre auquel on promet l’avenir le plus brillant à moyen terme reste pour l’instant marqué par des excédents. Seul l’étain tire son épingle du jeu grâce à l’instabilité birmane. D’excellentes récoltes un peu partout (sauf en France !) maintiennent les marchés des grains à des niveaux déprimés pour les producteurs. Les seules tensions significatives affectent les produits tropicaux du fait de maladies (oranges, cacao) ou de sécheresse (café, sucre).
L’automne, donc, commence à peine et sur le front géopolitique tout autant que dans le champ économique, il n’y a guère de promesse d’été indien. Plus que jamais, par leur volatilité accrue et parfois désordonnée, les marchés sont « le vain bruit à l’entrée du silence des vrais conflits » (RM Rilke).

Ephémérides économiques

2/9

• Démarrage de l’EPR de Flamanville
• Sommet Chine-Afrique à Pékin
• Nomination de Michel Barnier comme Premier ministre en France
• L’IFO prévoit la croissance zéro pour l’Allemagne en 2024
• « Élection » présidentielle en Algérie
• Présentation du rapport Draghi sur l’UE
• Voyage du pape François en Asie

9/9

• L’Allemagne met en place des contrôles aux frontières
• Débat Trump/Harris
• Le baril de Brent à $ 68
• Baisse de 25 pb des taux de la BCE

16/9

• Thierry Breton quitte la Commission européenne
• Présentation de la nouvelle Commission
• Baisse de 50 pb des taux de la Fed
• L’or à $ 2 600 l’once
• « Élection » d’un président « marxiste » au Sri Lanka
• Plan de relance en Chine : baisse de 50 pb des taux
• Tensions accrues entre Israël et le Hezbollah : mort d’Hassan Nasrallah
• La dette française à 5 ans plus chère que celles de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce
• Victoire de l’extrême droite en Autriche

30/9

• Offensive israélienne au Liban ; frappes iraniennes massives sur Israël
• Tensions sur le pétrole : le baril de Brent à $ 77
• Quatre jours de grève des dockers américains de la Côte Est
• Proposition de report de la directive européenne sur la déforestation
• « Élection » de Kais Saied en Tunisie (89 %)
• Feu vert européen sur la surtaxe des véhicules électriques chinois
• Le nouveau Premier ministre japonais, Shigeru Ishiba, renonce à toute réforme

7/10

• Un an du massacre perpétré par le Hamas