Energie

❚ Guerre de chiffres et de prévisions entre l’OPEP et l’AIE à propos du « peakoil », le moment où la consommation mondiale de pétrole plafonnera. Dans sa dernière publication, l’AIE envisage 2029 et 106 mbj. L’OPEP parle de 2045 et de 116 mbj : une différence de 15 ans et de 10 mbj ! (Goldman Sachs était récemment entre les deux avec 2034 et 110 mbj). L’AIE estime qu’en 2030, la capacité de production mondiale sera de 8 mbj supérieures à la demande avec 114 mbj. Le gros de l’augmentation viendrait des États-Unis (2,1 mbj) et du reste des Amériques (2,8 mbj). Pour 2024, l’AIE a encore réduit sa prévision d’augmentation de la demande à
960 000 bj. De son côté, l’EIA américaine a relevé sa prévision d’augmentation de la production des États-Unis à 310 000 bj (13,24 mbj au total). Sa prévision d’augmentation de la demande mondiale est de 1,1 mbj. En tout cas, à proximité de la « driving season » américaine, le prix du Brent a pris $ 10 le baril entre début juin et début juillet.

❚ En 2023, Gazprom n’a produit que 359 milliards de mètres cubes (bcm) de gaz naturel, le plus bas niveau depuis la création de l’entreprise au moment de la fin de l’URSS. En 2021, Gazprom avait produit 515 bcm.

❚ La consommation globale d’énergie a augmenté de 2 % en 2023 à 620 exajoules (EJ). La consommation d’énergies fossiles a augmenté de 1,5 % à 505 EJ. Les énergies renouvelables en ont représenté 15 %, dont 7 % pour l’hydroélectricité. Le charbon avec 164 EJ (+ 1,6 %) a battu un nouveau record.

❚ En juin, la Russie a dégagé $ 9,4 milliards de ses exportations de pétrole et de gaz, 50 % de plus qu’en juin 2023, d’après un calcul de Reuters.

❚ D’après l’International Gas Union, les échanges mondiaux de GNL ont atteint 401 Mt en 2023 (+ 2,1 % seulement) : 20 pays sont exportateurs et 51 importateurs. La Chine a été le premier importateur mondial avec 71 Mt, mais l’Europe prise dans son ensemble a importé 121 Mt). Pour la première fois, l’Allemagne a importé 5 Mt. Le premier exportateur est les États-Unis avec 845 Mt devant l’Australie (79,6 Mt), le Qatar (78,2 Mt) et la Russie (31,4 Mt).

❚ Au premier semestre 2024, les importations de pétrole de l’Asie ont diminué de 130 000 bj par rapport au premier trimestre 2023. Les importations de la Chine ont diminué de 300 000 bj. Par contre, celles de l’Inde ont augmenté de 90 000 bj. Sur l’année, l’OPEP anticipe une augmentation de la demande de l’Asie de 1,3 mbj et l’AIE de 900 000 bj. Pour l’instant, on en est très loin.

❚ Le Kosovo est le pays au monde qui dépend le plus du charbon avec 88,2 % de son électricité produite à partir de charbon. On trouve ensuite la Mongolie, l’Afrique du Sud, l’Inde, le Kazakstan et les Philippines (avec 63 %), puis l’Indonésie.

❚ Au premier semestre 2024, les ventes de pétrole et de gaz ont rapporté $ 65,12 milliards, une hausse de 41 % (en roubles) par rapport au premier semestre 2022. Sur ce semestre, le baril d’Oural s’est vendu en moyenne à $ 69,1, bien au-dessus du plafond institué par le G7 ($ 60).

❚ Si la raffinerie de Dangote au Nigeria (650 000 bj) est opérationnelle depuis le début de l’année, son fonctionnement suscite quelques interrogations. Elle a dû importer du pétrole américain, ce qui peut apparaître paradoxal et plutôt que de satisfaire la demande locale en essence et diesel, elle exporte du kérosène sur l’Europe…

❚ D’après Rystad, le coût de revient marginal (breakeven) de la production de pétrole au Guyana est de l’ordre de $ 30 le baril. Le taux de croissance du PIB au Guyana a été de 33 % en 2023 et sera identique en 2024. La production pétrolière a commencé en 2019 et déjà quelques symptômes de la malédiction des matières premières apparaissent. L’accord d’exploitation négocié par Exxon est très favorable à la compagnie américaine.

❚ L’Ukraine a signé un accord de livraison de GNL américain avec Venture Global qui exportera le GNL depuis son terminal en Louisiane vers des ports européens, notamment en Grèce, qui disposent de gazoducs vers l’Ukraine.

❚ En mai, la Russie a représenté 15 % des approvisionnements de gaz de l’Europe (UE, Royaume-Uni, Balkans) contre 14 % pour les États-Unis.

❚ Exxon-Mobil se lance dans le lithium. Dès 2027, devrait démarrer son premier projet en Arkansas à partir de saumures extraites par le biais de forages comparables à ceux du pétrole.

Minerais et métaux
❚ L’un des gourous du marché du nickel, Jim Lennon de Macquarie, anticipe un prix moyen, presque plancher, de $ 17 379 la tonne en 2024, puis de $ 20 500 en 2025 jusqu’à $ 23 000 en 2028. Lennon estime la consommation mondiale en 2024 à 3,53 Mt (+ 8,9 %).

❚ Le président serbe, Aleksandar Vucic, a donné son feu vert à l’ouverture de la mine de lithium de Jadar développée par Rio Tinto et qui pourrait produire
58 000 tonnes de métal par an. Eramet, de son côté, commencera en novembre l’exploitation de centenario en Argentine (24 000 tonnes de capacité). Ceci étant, le marché reste déprimé à $ 12 800 la tonne de carbonate ($ 80 000 au plus haut fin 2022). Mais Eramet estime son coût de production en Argentine entre $ 4 000 et $ 5 000.

❚ Macquarie estime le déficit mondial de cuivre en 2024 à 85 000 tonnes. Celui-ci monterait à 1,6 Mt en 2030.

❚ Wood Mackenzie anticipe un prix moyen de l’aluminium de $ 2 450 la tonne avec un excédent mondial de l’ordre de 500 000 tonnes. Par contre, Macquarie table sur un déficit de 960 000 tonnes (de 2,6 Mt en Chine). Pour la Bank of America, le déficit serait de 800 000 tonnes pour un prix moyen de $ 2 500. En 2025, le déficit s’élèverait à 2,1 Mt et le prix moyen serait de $ 3 000.

❚ Rio Tinto est confronté à des menaces de grève dans sa mine de cuivre de Mongolie d’Oyu Tolgoi. Un mineur y est payé $ 1 596 par mois contre $ 6 919 pour un mineur australien.

❚ Au premier trimestre 2024, le marché mondial du cuivre a été excédentaire de 300 000 tonnes d’après l’ICSG. Sur quatre mois, la demande a augmenté de 4,2 %, mais la production minière a été en hausse de 4,9 % (7,3 Mt) et celle du métal raffiné de 5,5 % (9,1 Mt).

❚ L’étain est le métal dont la performance a été la meilleure au premier semestre 2024, notamment grâce aux problèmes rencontrés au Myanmar et en Indonésie. Du côté de la demande, outre les semi-conducteurs, l’étain pourrait trouver un nouveau débouché dans les batteries pour les anodes des batteries sodium-ion.

❚ L’Australie défend ses terres rares. Le gouvernement australien a exigé que des intérêts chinois réduisent leurs intérêts dans Northern Minerals, un producteur de minerai d’Australie-Occidentale.

❚ Codelco, dont la production de cuivre est tombée de 1,6 Mt en 2021 à 1,3 Mt en 2023, essaie de relancer la machine et promet de revenir à 1,7 Mt en 2030. Mais les projets à El Teniente et Chuquicamata ont pris du retard et Codelco a $ 20 milliards de dettes.

❚ De Beers continue de souffrir avec le développement des diamants de synthèse. En 2023, De Beers n’a dégagé que $ 72 millions de résultats et sa diversification dans la joaillerie (40 boutiques De Beers Jewellery) reste limitée.
❚ La mainmise chinoise sur le graphite inquiète les États-Unis. Presque toute la métallurgie du graphite naturel et 98 % de la production du graphite synthétique sont concentrées en Chine. Le graphite est pour l’instant indispensable dans la composition des anodes des batteries lithium-ion. Et avec le développement de la production de véhicules électriques aux États-Unis, la dépendance vis-à-vis de la Chine ne va cesser d’augmenter. Ceci explique la mise en place de tarifs de 25 % sur les anodes en graphite chinoises.

❚ Une des raisons de la baisse des prix du cuivre est aussi l’augmentation des stocks sur le marché de Shanghai, un signe d’une demande domestique médiocre liée à la persistance de la crise du secteur de la construction.

❚ Les États-Unis seraient prêts à faciliter la vente des royalties dont le milliardaire israélien Dan Gertler bénéficie encore sur des mines de cuivre et de cobalt. En échange de leur cession à l’État congolais, Gertler, qui fait l’objet de sanctions américaines, aurait l’autorisation du Tresorus de recevoir $ 300 millions au moins. En 2023, Gertler a reçu $ 120 millions de royalties… en euros ! Parmi les acheteurs éventuels des mines, il y aurait Mercuria.
❚ Du fait de la crise tant du nickel que du cobalt, Eramet BASF ne donnent pas suite à leur projet de raffinerie en Indonésie.

❚ La saison des mariages en Inde coûte de plus en plus cher avec la hausse des prix de l’or aggravée par la baisse de la roupie.

Grains et agriculture tempérée
❚ D’après son ministre de l’Agriculture, l’Ukraine devrait produire en 2024, 21 Mt de blé, 285 Mt de maïs, 5 Mt d’orge, 13 Mt de tournesol, 4 Mt de colza et 5 Mt de soja. Du fait de la hausse des coûts logistiques, la production de céréales reste peu rentable (à la différence des oléagineux). La production serait donc en léger recul par rapport à 2023 (81 Mt au total).

❚ L’IGC a augmenté ses prévisions de production mondiale de céréales pour 2024/2025 : 739 Mt de blé avec seulement 81,8 Mt de blé en Russie,
1 223 Mt de maïs avec 374 Mt aux États-Unis et 124,6 Mt au Brésil. De son côté, la Commission européenne estime la production européenne de blé à 121,9 Mt, au plus bas depuis quatre ans, et celles de maïs à 64,8 Mt et d’orge à 53,4 Mt.

❚ D’après Sovecon, la Russie n’exporterait que 46,1 Mt de blé en 2024/2025 contre 52,2 Mt en 2023/2024. Au total, les exportations de grains (céréales et oléagineux) passeraient de 70,4 Mt à 56 Mt. La récolte russe de grains passerait de 144,9 Mt à 127,4 Mt.

❚ L’USDA estime la production mondiale de soja en 2024/2025 à 422,26 Mt contre 395 Mt l’année précédente. Cela pèse sur les prix et les Chinois en profitent pour augmenter leurs achats. Sur juillet 2024, on parle d’un record de 12 à 13 Mt alors même que les marges de trituration en Chine sont négatives.

❚ L’Argentine a finalement produit 50,5 Mt de soja en 2023/2024, sa meilleure récolte depuis cinq ans. La production de maïs devrait être de 46,5 Mt.

❚ La Tunisie, dont 39 % des importations de blé proviennent de Russie, a proposé aux exportateurs russes de mettre en place des contrats bilatéraux portant sur les tonnages importés et les prix.

❚ Sur la campagne 2023/2024, 28,7 Mt de grains ont été exportés via le port roumain de Constanza : 12,1 Mt de blé, 6,9 Mt de maïs, 2,7 Mt d’orge, 2,6 Mt de colza et 1,3 Mt d’huile de Tournesol. Il s’agit à la fois de céréales ukrainiennes et roumaines.

❚ Le Danemark a décidé de mettre en place une taxe carbone sur l’élevage bovin : € 100 euros à peu près par vache. Le parlement danois doit se prononcer en fin d’année. Au même moment, la Nouvelle-Zélande a enterré son projet de taxe.

❚ La FAO anticipe une production mondiale de céréales de
2 846 Mt (y compris le riz usiné) légèrement inférieure à une demande estimée à 2 851 Mt.

❚ Au 1er juin, le prix du pain en Égypte a été multiplié par quatre ; les cinq miches de pain passent de 5 à 20 centimes (de livre égyptienne, soit de 1 à 4 centimes d’euro !), ce qui ne couvre encore que 16 % des coûts de production.

❚ Sur les onze mois à fin mai, le Pakistan a exporté 5,6 Mt de riz (+ 60 %) pour une valeur de $ 3,6 milliards (contre $ 2 milliards sur la campagne précédente) et a profité de l’embargo indien qui commence à peine à être levé.
Et auteur de CyclOpe !

❚ Les prix de l’huile d’olive se maintiennent au plus haut. Cela commence à avoir un impact sur la consommation (en baisse de 22 % en Espagne). La production espagnole sur la campagne 2023/2024 sera de 851 000 tonnes contre 1,5 Mt en 2021/2022.

Produits tropicaux
❚ Le Conseil du cacao et du café de Côte d’Ivoire a décidé d’arrêter les ventes « forward » sur la campagne 2024/2025 à 940 000 tonnes, ce qui est déjà pratiquement réalisé. La plupart des grands acteurs ont pris beaucoup de retard dans leurs achats sur la prochaine saison. La situation est donc tendue d’autant plus que le « swollen shoot » (virus de l’œdème des pousses du cacaoyer) se répand en Côte d’Ivoire.

❚ D’après l’ISO, le déficit mondial du marché du sucre en 2023/2024 serait de 2,9 Mt contre une estimation de 689 000 tonnes en février. La consommation serait de 182,2 Mt pour une production de 179,2 Mt. La production brésilienne augmenterait de 1 Mt comme celle de la Chine. Par contre, la Thaïlande verrait sa production diminuer de 2,2 Mt et celle de l’Inde de 1,1 Mt.

❚ L’USDA anticipe une augmentation de la production mondiale de café de 7 millions de sacs à 176,23 millions de sacs (+ 4,1 %). La consommation serait de 170,6 millions de sacs et les exportations de 123,1 millions de sacs. La production augmente au Brésil et en Indonésie et reste stable au Vietnam.

❚ L’UE a mis en place des restrictions à l’exportation de sucre ukrainien. Il faut savoir que l’agriculture ukrainienne est pour l’essentiel constituée d’agroholdings qui contrôlent le meilleur de la SAU : 12 % de SAU est possédée par des exploitations de plus de 100 000 hectares. Ainsi, 95 % de la surface betteravière est contrôlée par les usines. Le premier producteur, Astarta, dirigé par l’oligarque Victor Ivanchik cultive 220 000 hectares. Au total, sept
« entreprises » cultivent la quasi-intégralité des betteraves ukrainiennes. Un autre groupe, Kernel, est le principal exportateur mondial d’huile de tournesol. Son fondateur est basé en Suisse et il contrôle Kernel via une société chypriote… Bon courage pour le volet agricole de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Sur le sucre, les droits de douane européens seront de € 419 la tonne de sucre blanc.

❚ Autrefois « géant du sucre » (le titre de la thèse de Philippe Chalmin), Tate and Lyle a abandonné le sucre en 2010, se renforce un peu plus dans les ingrédients alimentaires et autres sucrants en rachetant l’américain CP Kelco. Il est loin le temps (1950) où les travaillistes voulaient nationaliser Tate and Lyle !

Transports
❚ Flambée du prix des conteneurs en Chine. Un
« quarante pieds » qui coûtait $ 1 700 en avril était à $ 3 600 à la fin juin.

❚ La hausse des taux de fret conteneurs est impressionnante : à 3 044 l’indice SCFI a triplé de juin 2023. À $ 4 226 l’indice Drewy a progressé de 151 % en un an. On parle même de $ 10 000 pour un 40 pieds. Sur les principales routes Shanghai/Europe du Nord est en hausse de 242 %, Shanghai/New York de 141 %. La congestion portuaire bloque 6,8 % de la flotte mondiale.