Par Philippe Chalmin

Voilà, c’est donc fait ! Donald Trump a dégainé l’artillerie lourde. Utilisant un prétexte – certes réel et motivé –
le fentanyl qui fait des ravages chez les jeunes Américains, il impose à compter du 4 février 2025 des droits de douane de 25 % sur l’ensemble des exportations du Canada et du Mexique et de 10 % pour les produits chinois. La seule exception concerne le pétrole canadien (près de 4 mbj) qui ne sera taxé qu’à 10 %, ce qui représentera quand même 20 à 25 cents le gallon de plus pour les automobilistes du Midwest (à $ 3,70 le gallon). Au total cela touche plus de $ 800 milliards d’importations américaines ($ 763 milliards exactement sur les onze premiers mois de 2024). Le niveau moyen des droits de douane américain bondit ainsi de 3 % à 10,7 %, au plus haut depuis 1945 (les « records » demeurent les 20 % de 1932 et les 28 % du début du XXe siècle).
Canadiens et Mexicains ont réagi et ce sera bientôt le tour de la Chine, relativement épargnée pour l’instant et pour laquelle Donald Trump se réserve manifestement une marge de négociation. Quant à l’Europe, elle attend en commençant à courber l’échine, handicapée qu’elle est par la faiblesse politique de l’axe Paris-Berlin et par les tergiversations de madame von der Leyen.
On a du mal à estimer les conséquences pratiques de la première utilisation à des fins tarifaires de « l’International Emergency Economic Powers Act » de 1977. Pour les matières premières, ce sont le pétrole, le bois (un tiers du bois utilisé dans la construction aux États-Unis provient du Canada), quelques métaux et autres produits agricoles (les avocats du Mexique par exemple) qui seront affectés. Pour le pétrole, il faut tenir compte de la spécificité du pétrole lourd canadien que raffinent les installations américaines et qui ne peut être remplacé par le pétrole léger du sud des États-Unis (le WTI). Ceci explique la relative mansuétude trumpienne. Mais les États-Unis vont souffrir des mesures de rétorsion que ne vont pas manquer de prendre les pays concernés en particulier pour les produits agricoles comme les céréales, le soja et les viandes importés de Chine. Mais le dossier le plus complexe est celui de l’industrie automobile : 40 % des véhicules fabriqués par Stellantis (Chrysler), 30 % de ceux de General Motors et 25 % de ceux de Ford proviennent du Canada et du Mexique et le circuit des pièces est particulièrement complexe des trois côtés des frontières !
Il reste à voir si, à l’image partielle du pétrole canadien, il y aura d’autres assouplissements, voire des exemptions. Tout dépendra aussi de la détermination des « adversaires » des États-Unis.
La seule conséquence un peu anecdotique qui se préparait depuis quelques jours est la hausse de l’or et de l’argent avec des flux inédits de métal physique vers les États-Unis en anticipation de mesures qui pourraient affecter l’Europe. En touchant la barre record de $ 2 800 l’once, l’or reste, en tout cas, le meilleur indicateur des tensions d’une planète violemment secouée par Donald Trump.

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Cette chronique à peine écrite, il faut la compléter, l’actualiser en fonction des humeurs trumpiennes, comprendre aussi qu’avec lui rien n’est jamais inscrit dans le marbre, que tout est négociable au-delà du dernier moment et que de toute manière, la force prime le droit.
Claudia Scheinbaum d’abord, Justin Trudeau ensuite ont « discuté » avec Donald Trump. Ils ont lâché sur le prétexte majeur, celui de la drogue en renforçant la surveillance aux frontières et ont obtenu un délai d’un mois (peut-être plus en fait, mais Donald Trump est un maître du flou) sur la question des tarifs. Cela offre aussi au maître de la Maison-Blanche une porte de sortie, car il n’est pas certain qu’il ait mesuré les conséquences de ses décisions sur l’industrie américaine et la condamnation presque unanime provenant des milieux économiques et surtout de l’industrie. D’un repli qui aurait pu être honteux, il fait une victoire.
Sur la Chine, par contre, l’heure n’est pas encore à la négociation et les autorités de Pékin ont dressé immédiatement leur propre liste de rétorsion : pétrole, charbon, gaz (et donc là le GNL), matériel agricole… et la reprise des poursuites antitrust contre Google. Rien de bien surprenant et là aussi la porte reste ouverte à la discussion.
Il y a quand même eu plus grave pour les États-Unis : la décision de fermer l’USAID, l’agence d’aide au développement créée par Kennedy en 1961 et qui gère quelques $ 70 milliards d’aide qui se trouvent brutalement arrêtés (même sur les programmes en cours comme celui contre le sida en Afrique). Pour reprendre le langage fleuri trumpien, ce n’était là qu’un « bunch of radical lunatics ». Il faut voir là probablement l’influence nocive du « doge » Elon Musk dont pour l’instant l’étoile ne semble pas pâlir au firmament trumpien. Quoique la manière dont les très jeunes « cowboys » du Doge ont pénétré les sytèmes informatiques de l’administration américaine et en particulier du Trésor commence à susciter des réactions même chez les Républicains.
Que dire, enfin, de la transformation de Gaza en « Côte d’Azur » ? Peut-être pourrait-on aussi y transférer Mar-a-lago ! Et cela fait seulement deux semaines qu’a commencé Trump 2 !

Ephémérides économiques

1/1

• La Pologne préside l’UE
• Fin de l’accord gazier Ukraine-Gazprom
• Trente ans de l’OMC
• Joe Biden met son veto à l’achat de US Steel par Nippon Steel

6/1

• Chute de Justin Trudeau au Canada
• Interdiction par Joe Biden de l’« offshore drilling »
• Incendies à Los Angeles
• Meta supprime le « factchecking » sur Facebook

13/1

• Accord de cessez-le-feu à Gaza
• Croissance allemande en 2024 : – 0,2 %
• Record de solde commercial de la Chine en 2024 : $ 992 milliards
• Sanctions américaines contre 183 pétroliers utilisés pour le transport du pétrole russe

20/1

• Cinq ans du déclenchement du Covid en Chine
• Chine : 5 % de croissance en 2024
• Investiture de Donald Trump : une centaine de décrets exécutifs :
– Sortie de l’Accord de Paris, OMS…
– État d’urgence à la frontière du Mexique
– Menaces Groenland, Panama…
• « Cérémonie impériale » en présence de cinq des dix hommes les plus riches de la planète
• « Trêve » des attaques houtis en mer Rouge

27/1

• 80 ans de la libération d’Auschwitz
• Prise de Goma en RDC
• Réélection de Lukashenko en Belarus : 87,6 % !
• Croissance Espagne en 2024 : 3,2 %
• Croissance zéro dans la zone euro au dernier trimestre 2024
• Baisse des taux de la BCE
• Instauration par les États-Unis de droits de 25 % sur le Canada et le Mexique, de 10 % sur la Chine

3/2

• Ajournement des droits sur le Mexique et le Canada
• Fermeture de l’agence USAID
• Record de l’or à $ 2 800 l’once
• Mesures de rétorsion de la Chine (énergie en particulier à l’encontre des États-Unis)