Par Philippe Chalmin

L’année 2022 commence avec un lot plus chargé qu’à l’habitude de tensions autour de l’Ukraine (gaz naturel), du Kazakhstan (pétrole et uranium), de l’Indonésie (charbon) et bien sûr de la Chine qui restera certainement
la grande variable d’incertitudes des mois à venir tant au point de vue géopolitique qu’économique.
2021 s’était terminée en fanfare pour le gaz naturel, le lithium et dans une moindre mesure pour les grains sur lesquels commence à planer la crainte d’un épisode « La Niña » plus marqué qu’initialement anticipé. Nos lecteurs trouveront ci-après une première analyse « à chaud » de 2021 et des perspectives 2022. Le traditionnel exercice du Cercle CyclOpe à paris le 27 janvier et à Genève le 3 février.
Plus que jamais, ce sera une année marquée d’incertitudes sanitaires rendant plus qu’aléatoires nos anticipations d’un « retour à la normale » dont l’échéance ne cesse de s’éloigner.
Les vœux de CyclOpe pour cette année 2022 n’en sont que plus chaleureux !
En 2021, les prix des matières premières mesurés par l’indice CyclOpe en dollar se sont appréciés – en moyenne annuelle de 49 %, de 40 % si l’on en exclut l’énergie et les métaux précieux. Les performances les plus spectaculaires ont été enregistrées par l’étain et le lithium parmi les métaux, par le gaz naturel en Europe et en Asie pour l’énergie, par le maïs et les oléagineux pour les produits agricoles. Mais les hausses les plus vertigineuses sont à mettre au compte des taux de fret maritime : sans même parler des conteneurs, le « fret sec » (les navires de vrac) a enregistré une hausse moyenne de 182 %. À l’inverse, les métaux précieux on fait plutôt grise mine, l’or partageant avec le cacao le bonnet d’âne de l’année avec seulement 2 % de hausse (les prix internationaux de la viande porcine s’affichent quant à eux en net repli).
L’année a été en réalité marquée par un certain nombre de vagues et pratiquement tous les marchés ont connu à un moment ou à un autre de fortes tensions au point que l’idée d’un « supercycle » s’est répandue et a même trouvé quelque crédibilité. En fait, il s’est surtout agi de rattrapage après les restrictions de 2020. La reprise économique, partant de Chine dès l’été 2020 puis des États unis à l’automne, fut plus rapide qu’anticipée alors même que les appareils de production et la logistique peinaient à retrouver leurs niveaux d’avant-crise. Ceci se traduisit par des tensions dès le début de l’année sur des matières premières de l’industrie et de la construction à l’image emblématique du bois (lumber) aux États-Unis, mais aussi de l’acier un peu partout dans le monde. Par la suite, sur des bilans mondiaux particulièrement tendus, le moindre accident climatique ou géopolitique put avoir des conséquences spectaculaires.
Au-delà de cette analyse globale, il est nécessaire de rentrer dans le détail des trois crises de cette année 2021 : la crise logistique, la crise énergétique avec ses conséquences pour les marchés des métaux et
la crise agricole.
De la crise logistique, on a surtout retenu les goulots d’étranglement surles lignes de porte-conteneurs,
les hausses de prix (une multiplication par cinq en moyenne) et les conséquences que ceci a pu avoir en termes de pénuries pour nombre de marchandises transportées en conteneurs, des métaux aux produits tropicaux. Mais sur le marché du fret sec, la hausse de 182 % de l’indice du Baltic (partant, il est vrai, de niveaux fort déprimés) est la plus spectaculaire de tous les marchés de commodités.
Pour la première fois de l’histoire, ce n’est pas le pétrole qui a été aux avant-postes de la crise énergétique.
Bien maîtrisé par les pays de l’OPEP+ (l’axe Arabie saoudite/Russie), le marché du pétrole est presque resté
« raisonnable » entre $ 60 et $ 80 le baril. Non, en 2021, c’est le gaz naturel qui a mis le feu aux poudres que ce soit en Europe ou en Asie pour le gaz naturel liquéfié. Les tensions avec la Russie d’une part, la sécheresse et la crise électrique chinoise d’autre part ont provoqué au cours de l’année un quintuplement des prix du gaz qui en est arrivé à coûter deux fois plus cher que le pétrole. Dans la foulée des prix du gaz, ceux de l’électricité en Europe, mais aussi du charbon en Chine, ceux des engrais aussi, se sont enflammés. Alors que la COP26 s’achevait dans la déception générale (mais que les prix du carbone triplaient en Europe) c’est toute la stratégie de la transition énergétique et de la sortie du charbon au profit du gaz qui se trouvait remise en cause. La montée en puissance de l’électricité, en particulier dans la mobilité, a provoqué par ailleurs des tensions sur les marchés des métaux les plus concernés comme le lithium et le cobalt, mais aussi le cuivre et le nickel.
Il y a eu enfin une véritable crise agricole : quelques accidents climatiques certes comme la sécheresse au Canada qui a touché le colza et le blé dur, mais surtout l’importance des achats chinois dont l’ampleur a surpris qu’il s’agisse de céréales, d’oléagineux, de produits laitiers (seule exception, la viande porcine dont le prix en Chine a diminué presque de moitié). Le maïs et le soja furent les premiers concernés avant de céder la vedette à l’automne au blé et à l’huile de palme. Ajoutons à cela des gelées au Brésil pour le café et même le sucre et puis bien sûr le jeu géopolitique de la Russie à l’exportation de céréales et de la Chine dans ses relations avec l’Australie et on comprendra la hausse de 35 % de l’indice des prix alimentaires de CyclOpe.
Qu’attendre maintenant de 2022 ? Certains marchés ont déjà amorcé des replis assez nets à l’image du fer et de l’acier. En raisonnant à situation climatique et sanitaire « normale », cette détente devrait s’accentuer encore en particulier sur les marchés des métaux. En ce qui concerne l’énergie, l’hiver de l’hémisphère nord restera tendu pour le gaz naturel alors que le pétrole reviendrait aux excédents. Par contre, on ne peut espérer de retour à la normale rapide sur le marché des conteneurs. Quant aux marchés agricoles, au-delà des aléas climatiques, ils dépendront du niveau des importations chinoises sur la campagne 2021/2022. La campagne précédente était-elle exceptionnelle ou deviendrait-elle la règle ?
En 2022, les marchés mondiaux des matières premières subiront bien sûr les aléas sanitaires et leurs conséquences sur la demande. Mais, au-delà, la Chine continuera à en dominer la conjoncture que ce soit en termes de demande, d’importations et de consommation, mais aussi en ce qui concerne la dimension géopolitique de marchés qui s’agitent aux moindres bruits de bottes. Les crises successives de 2021 ont au moins permis de prendre conscience de la dépendance des économies avancées et émergentes vis-à-vis de marchés dont l’instabilité reste immense.

Ephémérides

29/11

• Reprise des négociations sur le nucléaire entre l’Iran et les États-Unis à Vienne
• Annulation de la conférence ministérielle de l’OMC à Genève
• Aggravation des tensions Russie/Ukraine
• Présentation du plan « Global Gateway » de l’UE ($ 300 milliards en six ans)
• Inflation dans l’UE : + 4,9 %

6/12

• Olaf Scholz, chancelier d’Allemagne
• La tonne décarbonée en Europe au-dessus de 85 euros
• Vingt ans d’adhésion de la Chine à l’OMC
• Inflation aux États-Unis : + 6,8 %

13/12

• Développement du variant Omicron au Royaume-Uni
• Flambée des prix du gaz naturel en Europe
• Croissance UE au troisième trimestre : + 2,2 % (de 3 % en France à 1,7 %
en Allemagne)
• Élection du candidat de gauche (Gabriel Boric au Chili)
• Mascarade électorale à Hong Kong

20/12

• Démarrage de l’EPR finlandais (douze ans de retard)
• Record du CAC 40 : 7 181
• Annulation de l’élection présidentielle en Libye
• Décision de la Belgique de sortir du nucléaire en 2025 et fermeture de trois centrales allemandes
• Confinement de Xian (13 millions d’habitants) en Chine

27/12

• Vingt ans de l’euro­­­­
• Le nucléaire et le gaz placés comme énergies de transition dans la taxonomie européenne
• Présidence française de l’UE

3/1

• Explosion du nombre de cas Omicron en Europe
• Apple : $ 3 000 milliards de capitalisations boursières
• Émeutes au Kazakhstan