Par Philippe Chalmin

C’est l’été et une vague de chaleur submerge l’Europe pour nous rappeler que le réchauffement de la planète est une réalité plus cruelle chaque année. Mais aux confins de l’Europe, c’est encore et toujours la guerre : les Russes progressent dans le Donbass, mais l’Ukraine résiste et nul ne voit l’issue de ce conflit d’un autre temps. Beaucoup plus que de l’arme du blé, c’est l’âme du gaz que Vladimir Poutine utilise désormais vis-à-vis des Européens et surtout l’Allemagne qui reste le maillon faible de la coalition pro-ukrainienne. La coupure totale des fournitures de gaz russe n’est malheureusement plus une vue de l’esprit et pour reprendre l’expression de l’ancien ministre polonais de l’Énergie (qui présida la COP-24) ; entendu aux Rencontres économiques d’Aix, nous avons devant nous tous les ingrédients d’une « perfect storm » à la fois sur le gaz, le charbon et l’électricité.
Le marché du pétrole apparaît, à cette aune, presque raisonnable avec un baril de Brent qui fluctue autour des $ 100. C’est certes la conséquence d’un report des importateurs qui le peuvent sur le pétrole russe qui se vend $ 20 à $ 40 le baril de moins. Mais, les menaces qui pèsent sur la consommation mondiale du fait de perspectives économiques de plus en plus sombres ont aussi un impact incontestable. Par contre, au niveau des consommateurs, la relative faiblesse du pétrole brut est plus que compensée par l’explosion des prix des produits raffinés et donc de la marge de raffinage, $ 62 en juin contre une moyenne de $ 10,5 entre 1985 et 2021. Le résultat, c’est de l’essence à $ 5, le gallon aux États-Unis, à € 2 le litre en Europe, la situation étant aggravée dans ce dernier cas par la faiblesse de l’euro qui a, début juillet, retrouvé sa parité avec le dollar.
Globalement, les perspectives de ralentissement de la croissance, voire de récession, ont eu un impact sur les marchés des matières premières industrielles : le recul est général sur les marchés des métaux, tout particulièrement pour le cuivre, l’étain et bien sûr le nickel pour lequel la cotation du LME a perdu toute crédibilité. Mais, il en est de même pour le minerai de fer (autour de $ 110 la tonne) au cœur des incertitudes chinoises, pour les ferrailles dont le prix en Turquie a diminué de moitié entre mars et juin, et de manière plus mesurée pour l’acier : mais là, au moins en Europe, l’impact de la guerre en Ukraine se fait sentir avec la perte de sources d’approvisionnement comme Marioupol. La situation est un peu identique sur le marché du bois.
Sur les marchés agricoles, malgré l’impact de la guerre sur les exportations ukrainiennes, le reflux est net en particulier pour le blé. Les vraies tensions à venir se situent sur le maïs et la Chine cherche désormais d’autres fournisseurs comme le Brésil. Au-delà de l’Ukraine, la question majeure sur la scène agricole reste celle du niveau des importations chinoises en 2022 : inférieures à 2021 certainement, mais de combien et quelle élasticité par rapport aux prix ? Deux autres facteurs jouent aussi dans le repli général des marchés : le durcissement des politiques monétaires a provoqué un reflux des investisseurs et autres hedge funds dont certains sont passés de positions « longues » à « courtes ». Et puis, il faut aussi tenir compte de la hausse du dollar.
La Chine reste donc au premier plan pour presque tous les marchés de commodités.
À l’automne aura lieu le Congrès du Parti communiste chinois qui confirmera la présidence « à vie » de Xi Jinping. Il semblerait que le consensus ne soit pas total, que du côté de Shanghai et de l’ancien président Jang Xemin on traîne des pieds, que le Premier ministre Li Qekiang puisse ne pas accepter de quitter son poste comme prévu… La Chine était au printemps, avec ses multiples confinements liés à la politique du zéro-covid, proche de la croissance zéro. Il va falloir nettoyer la devanture pour le Congrès. Mais cela sera-t-il suffisant ?
L’Ukraine et la Chine sont donc les deux points chauds à surveiller durant l’été 2022. On y ajoutera les États-Unis où Joe Biden risque de laisser quelques plumes aux élections de mi-mandat en novembre, ce qui l’incite à quelques reniements en matière de politique étrangère, de l’Arabie saoudite à l’Ukraine. N’oublions pas aussi l’Amérique latine et ses expériences de « gauche » du Chili à la Colombie et demain peut-être à nouveau le Brésil. Quant à l’Afrique, au-delà même de la crise alimentaire qu’elle subit, elle reste la grande perdante de ces années de crise avec un fossé qui se creuse un peu plus vis-à-vis du reste du monde.
Mais, la vie n’est pas dure pour tous et encore une fois, le marché de l’art en administre la preuve. Certes, les NFT ont été emportées par la vague qui a fragilisé les cryptomonnaies. Mais sur le marché « physique », l’humeur est euphorique, qu’il s’agisse des ventes de New York du printemps ($ 2,5 milliards) ou des chiffres évoqués à Bâle ou Maastricht.
Les crises sont cruelles tant elles exacerbent les inégalités !

Ephémérides économiques

30/5

• Jubilé de la reine Elizabeth II
• L’OPEP+ augmente à 650 000 bj ses quotas en juillet et août
• La Russie coupe les livraisons de gaz aux Pays-Bas et au Danemark
• Entrée de la Croatie dans la zone euro au 1er janvier 2023
• Décision d’embargo européen sur le pétrole russe

6/6

• La Banque mondiale anticipe une croissance de 2,9 % et parle de stagflation
• Vote au Parlement européen pour l’arrêt des voitures thermiques en 2035

13/6

• Crise du bitcoin et des cryptomonnaies
• Tensions sur le gaz naturel à la suite d’une explosion au Texas et de la réduction des livraisons par Nordstream I
• Conférence de l’OMC à Genève
• Hausse de 75 pb des taux de la Fed
• « Davos » russe à Saint-Pétersbourg
• Relance des centrales à charbon allemandes

20/6

• Ouverture Art Basel
• Sommet européen : l’Ukraine et la Moldavie acceptées comme candidats à l’UE
• La Cour Suprême américaine revient sur « Roe vs Wade » et le droit à l’avortement
• G7 en Bavière
• Élection d’un président de gauche en Colombie

27/6

• Défaut de la Russie sur sa dette étrangère
• Xi Jinping à Hong Kong
• Présidence tchèque de l’UE
• La Cour Suprême américaine limite les droits de l’agence de l’environnement (EPA)
• La Russie prend le contrôle du gisement de Sakhalin 2
• Le cuivre à moins de $ 8 000 la tonne

4/7

• Inflation en Turquie en juin, 79 % au Sri Lanka, 55 %
• Septième vague de Covid en Europe
• Vote par le Parlement européen de la Taxonomie mettant à l’écart le nucléaire et le gaz
• Pétrole Brent à moins de $ 100 le baril
• Premier déficit commercial allemand en trente ans
• Nationalisation d’EDF en France
• Démission de Boris Johnson au Royaume-Uni

11/7

• Parité euro/dollar
• Arrêt pour « maintenance » de Nordstream I
• Crise politique en Asie
• Joe Biden en Israël et en Arabie saoudite
• Croissance chinoise au deuxième trimestre : + 0,4 %
• Inflation américaine en juin : 9,1 %
• Le baril de Brent en dessous de $ 100
• Renversement du gouvernement au Sri Lanka

18/7

• Canicule en Europe
• Le cuivre en dessous de $ 7 000 la tonne