Par Philippe Chalmin

Voilà un printemps 2021 qui a commencé en fanfare sur la plupart des marchés mondiaux de matières premières et de commodités. Les derniers jours d’avril ont été particulièrement marquants avec des prix record enregistrés pour le minerai de fer (à plus de $ 190 la tonne en Chine) et l’acier tant aux États-Unis qu’en Chine, pour le cuivre ($ 10 000 la tonne en séance) et l’étain ($ 30 000) et dans leur sillage pour la plupart des métaux non ferreux, surtout lorsqu’on peut leur imaginer un destin lié à la transition énergétique comme le lithium ou le palladium. Mais il en est de même pour des produits moins « sophistiqués » comme le bois d’œuvre (lumber) aux États-Unis à $ 1 400 le millier de pieds planche. L’effervescence est aussi totale sur les marchés des grains et là aussi c’est le maïs qui mène la charge avec un prix qui a dépassé celui du blé et une hausse de 122 % en un an ! Les tensions sont aussi fortes pour les oléagineux menés par le soja ; mais aussi le colza et l’huile de palme. Paradoxalement, les marchés de l’énergie restent plus raisonnables avec un baril de pétrole à $ 65 soutenu par la modération dont ont su faire preuve les pays de l’OPEP+. Par contre, en Europe au moins, le prix du carbone flambe à plus de 50 euros la tonne.
Deux facteurs expliquent ces hausses : le principal est bien sûr l’importance de la demande chinoise qui ne se démentit pas qu’il s’agisse de minerais et métaux ou de produits agricoles. Mais les marchés anticipent aussi l’ampleur de la reprise économique mondiale soutenue d’une part par le « manque à consommer » de 2020, d’autre part par l’importance des plans de relance annoncés – en particulier aux États-Unis – et par leur dimension « verte » pouvant se traduire par une augmentation de la demande de « nouveaux » matériaux.
Ajoutons à cela quand même le lot habituel de tensions géopolitiques affectant par ricochet les matières premières : ainsi du coton au Xinjiang, des céréales entre l’Ukraine et la Russie, du charbon et de l’orge entre l’Australie et la Chine, du gaz naturel russe vers l’Europe et puis bien sûr du pétrole de l’Iran ou du Venezuela.
Enfin, comment ne pas évoquer l’ambiance euphorique des marchés boursiers en particulier autour des valeurs de haute technologie et de tout ce qui s’en rapproche à l’image de Coinbase ($ 100 milliards pour un « trader » de cryptomonnaies) au moment où le bitcoin bat des records à plus de $ 60 000 ? Cette euphorie gagne le marché de l’« art » sous toutes ses formes avec une paire de chaussures, certes portées par une célébrité à $ 1,8 million ! Mais dans un genre un peu plus sérieux, l’indice des vins fins (Liv-ex) a battu lui aussi des records. Tout ceci porte les matières premières comme une classe d’actifs prometteuse et ce d’autant plus que certaines grandes maisons de Wall Street promettent monts et merveilles en matière de « super cycle ». Et il est vrai que pour l’instant les marchés semblent leur donner raison.
Il peut sembler difficile en de pareils moments de raison garder : de rappeler par exemple qu’à l’exception d’une situation qui pourrait rester tendue pour le maïs, les perspectives de récoltes mondiales pour la campagne 2021/2022 sont excellentes ; de souligner aussi que la surchauffe industrielle chinoise commence à marquer le pas et qu’en 2022 le rebond économique post-pandémie sera lui aussi du passé à l’heure où il faudra commencer à rétablir un peu partout un semblant d’équilibre des comptes publics. L’effervescence actuelle risque de n’avoir qu’un temps, de n’être que l’une de ces bulles que l’on retrouve en des périodes de volatilité extrême et non un cycle long comme ce fut le cas dans les années soixante-dix ou entre 2006 et 2013. Au-delà, en effet, des excitations spéculatives, chaque marché a sa propre histoire et à la fin du jour, ce sont les fondamentaux qui imposent leur logique, une logique qui ne correspond pas toujours à la frénésie ambiante.
La période en tout cas ne pouvait être plus propice pour la publication le 26 mai prochain du 35e rapport CyclOpe dont le sous-titre, « l’obscure clarté qui tombe des étoiles » est une parfaite illustration des interrogations du moment.

Ephémérides

29/3

• Annonce d’un nouveau « plan Biden » de $ 2 250 milliards
• 50 ans du Bangladesh
• Augmentation de 350 000 bj des quotas de l’OPEP+
• Scandale Archegos aux États-Unis

5/4

• Propositions américaines d’harmonisation de la fiscalité internationale
• Vote au Groenland contre l’exploitation minière
• Flambée des bourses mondiales

12/4

• Tensions entre la Russie et l’Ukraine
• Le bitcoin à $ 63 000
• PIB de la Chine au premier trimestre : + 18,3 %
• Mort de Bernard Madoff

19/4

• Sommet climat à Washington
• Annonce d’un « American Jobs and Family Plan » aux États-Unis ($ 1 800 milliards)
• Un milliard de vaccins administrés dans le monde

26/4

• 100 jours de Joe Biden
• PIB américain au premier trimestre : + 6,4 %
• Fortes tensions sur les marchés des grains
• Vente des sneakers de K. West : $ 1,8 million
• Plan de relance en Italie de € 221 milliards

3/5

• Divorce de Bill Gates !