Par Philippe Chalmin

“World is on highway to hell”. L’autoroute vers l’enfer, telle est l’image utilisée par le secrétaire général des Nations unies pour ouvrir la COP27 réunie de manière quelque peu improbable en Égypte, à Charm El Sheik, un lieu de destination balnéaire dont il vaut mieux taire la trace carbone (ainsi d’ailleurs que celle des milliers de délégués et représentants plus ou moins légitimes de la cause climat qui ne rateraient pas pour un empire leur grand « jamboree » annuel). On aimerait à en sourire si la cause n’était si grave, si comme le disait Jacques Chirac, il y a déjà une vingtaine d’années, la « maison ne brûlait ». Les derniers rapports du GIEC sont éloquents et même les plus doctrinaires des climatosceptiques ne peuvent le nier. Et malheureusement, au-delà de quelques grandes déclarations, la COP27 risque de ne déboucher sur rien de bien concret si ce n’est de se réunir pour… la COP28…
Au cœur de cette crise énergétique majeure que connaît le monde, il y a pourtant quelques bonnes nouvelles : la flambée du prix du gaz va probablement accélérer la transition énergétique. Retour du nucléaire certes, mais aussi arrivée d’une seconde génération de renouvelables autour de la biomasse et puis aussi de l’hydrogène. L’avantage de prix élevés, c’est qu’ils ouvrent des perspectives pour des technologies jusque-là trop onéreuses. Mais bien sûr, c’est là du moyen terme. À court terme, malgré la détente apparente sur le marché du gaz européen, l’horizon reste sombre, suspendu à la météorologie européenne et aux conséquences de la Niña sur les anticyclones sibériens ! On en viendrait presque à se réjouir du réchauffement…
Pour le reste, en cet automne, la plupart des marchés de matières premières sont orientés à la baisse. La plus spectaculaire est celle du fret-conteneurs qui, en quelques semaines, a perdu 60 à 70 % de sa valeur par rapport à ses sommets du printemps dernier. On constate des évolutions identiques – quoique moins spectaculaires – pour les matières premières industrielles qu’il s’agisse du minerai de fer (fermement en dessous désormais de $ 100 la tonne) et de l’acier, des métaux non ferreux comme le cuivre (autour de $ 8 000), de l’aluminium ($ 2 400) et plus encore de l’étain (au-dessous de $ 20 000), et puis des matières premières agricoles à l’image du coton dont la chute des prix est vertigineuse (83 cents la livre contre 174 cents en mai). Les seules exceptions notables restent le lithium à près de $ 70 000 la tonne et dans un genre bien différent la pâte à papier.
La raison de ce repli presque général est simple à expliquer : une forte odeur de récession plane sur des pans entiers de l’économie mondiale ; l’Europe bien sûr, mais aussi le Japon, le Brésil et quelques autres. Sous les coups de boutoir de la Fed, la croissance américaine reste anémique et l’interrogation chinoise est entière : que va décider Xi Jinping désormais adoubé presque à vie et entouré d’une équipe de fidèles « seconds couteaux ». Va-t-il poursuivre sa politique anti-covid à coups de confinements à la moindre alerte ou bien va-t-il ouvrir à nouveau les vannes de la relance économique sur la base de son seul marché intérieur ?
Il reste enfin la situation des marchés alimentaires pour lesquels les tensions restent fortes : en octobre l’indice des prix alimentaires de la FAO est resté à peu près stable, 15 % en dessous du record de mars 2022, mais 2 % au-dessus du niveau d’octobre 2021 : à l’exception des céréales, la plupart des prix sont orientés à la baisse. Les marchés céréaliers vivent en effet les angoisses ukrainiennes et puis aussi quelques mauvaises nouvelles climatiques dans l’hémisphère Sud (Australie et Argentine). Le marché du blé reste tendu malgré une récolte mondiale record (784 Mt d’après la FAO). Pourtant, les tensions les plus fortes sont à attendre pour les céréales secondaires et en particulier pour le maïs avec une baisse de la production mondiale de l’ordre de 40 Mt. Tout va dépendre de l’appétit chinois… Et puis, il faut déjà penser aux campagnes à venir et à l’impact attendu de la hausse du prix des engrais : les prix de l’urée, dans la foulée du gaz naturel restent trois fois plus élevés qu’il y a deux ans.
Nous retrouvons là la crise énergétique et au-delà la situation climatique dont on débat sous le soleil de Charm El Sheik dans une Égypte dont la facture céréalière va augmenter d’au moins un milliard de dollars…

Ephémérides économiques

3/10

• Lancement de la « Communauté politique européenne »
• Réduction de 2 mbj des quotas de l’OPEP+
• Attaque ukrainienne du pont de Kertch
• Contestation en Europe du soutien de € 200 milliards à l’économie allemande

10/10

• Le chancelier de l’Échiquier britannique, Kwasi Kwarteng, est remplacé par Jeremy Hunt
• Grèves dans les raffineries en France et « pénuries » d’essence
• La dépendance de l’Europe au gaz russe passe de 40 % à 8 % en un an
• Inflation américaine : 8,2 %
• Ben Bernanke, prix Nobel d’Économie

17/10

• Démission de la Première ministre britannique, Liz Truss
• Réunion du Congrès du PCC : troisième mandat de Xi Jinping et élimination de Li Qeqiang
• Baisse des taux en Turquie et des taux réels négatifs de 72 %

24/10

• Rishi Sunak, nouveau Premier ministre britannique
• Croissance au troisième trimestre : États-Unis + 2,6 %, Chine + 3,9 %
• Elon Musk achète Twitter
• Baisse du prix du gaz en Europe : à un mois, moins de € 100 le MWh
• Hausse de 75 pb des taux de la BCE
• Inflation en zone euro : 10,7 %
• Plan de relance de $ 200 milliards au Japon
• La Russie annonce sortir de l’accord céréalier sur l’Ukraine…

31/10

• Retour de la Russie…
• Élection de Lula au Brésil
• « Victoire » de Natanyahu en Israël
• Hausse de 75 pb des taux de la Fed à 3,75 %/4 %
• Cosco (Chine) prend 25 % du port de Hambourg

7/11

• Ouverture de la COP27 en Égypte
• Baisse des exportations de la Chine en octobre : – 0,3 %
• Élections à mi-mandat aux États-Unis : succès républicain mitigé