Par Philippe Chalmin

Quelle rentrée en fanfare ! Rarement, les tensions sur les marchés auront été aussi fortes à la hausse, mais aussi à la baisse. En Europe, c’est bien sûr la crise énergétique qui fait la une avec le gaz naturel dans le rôle-titre, entraînant dans son sillage le charbon et dans une moindre mesure le pétrole et, en bout de chaîne l’électricité. Mais la crise énergétique est aussi chinoise et le gaz naturel liquéfié est proche des $ 200 l’équivalent baril de pétrole. Soudain, la transition énergétique prend une nouvelle dimension : les énergies renouvelables de première génération sont par nature intermittentes et celles de l’avenir (biomasse, hydrogène) sont encore lointaines. Entre-temps, il faut bien assurer les pics de consommation avec du gaz, ou pire même, du charbon. Quant au nucléaire, il fait l’objet d’un anathème politique nourri du populisme écologique.
Peu à peu donc « l’arme du gaz » remplace celle bien émoussée du pétrole. La Russie est à la manœuvre pour maintenir l’Europe sous allégeance, mais l’Algérie a la même attitude vis-à-vis du Maroc et de l’Espagne.
La crise devrait perdurer au moins jusqu’au début de 2022 et tout dépendra de la longueur et de l’intensité de l’hiver dans l’hémisphère nord. Mais elle a des conséquences dans nombre de secteurs comme celui des engrais avec la hausse des prix de l’ammoniac et donc de l’urée et des engrais azotés.
Heureusement pour le monde agricole, les tensions persistent sur les marchés des grains avec en vedette le
« canola » (le colza pour les Canadiens) et dans une moindre mesure, le blé : malgré des estimations de récolte mondiale proches des records, il aura suffi de quelques accidents climatiques et bien sûr de l’appétit chinois pour pousser les prix mondiaux à des niveaux là aussi historiquement élevés. Le scénario est un peu identique pour le coton qui a passé le « mur » du dollar la livre grâce à d’importants achats chinois.
Au chapitre des minerais et métaux, ce sont maintenant l’aluminium et l’étain qui tiennent la vedette. Le cas de l’aluminium est intéressant tant il conjugue, outre quelques tensions géopolitiques, des accidents climatiques (sécheresse au Yunnan) et des considérations environnementales en Chine et un coup d’État en Guinée : le premier producteur mondial de bauxite.
Hôte du G20, puis des Jeux olympiques d’hiver, la Chine a en effet adopté une stratégie « skyblue » qui se traduit par des diminutions de capacités de production. Ceci va affecter la sidérurgie et donc les besoins en minerai de fer et c’est cette seule anticipation qui, en quelques semaines, a fait plonger de plus de la moitié le prix de la tonne de minerai de fer (alors qu’au même moment, le charbon à coke flambait !).
À l’image du minerai de fer, nombre de marchés ont entamé leur repli ou ont au moins atteint leur pic. C’est le cas du bois, mais aussi, de manière moins spectaculaire, du cuivre ou du sucre.
Mais le panorama ne serait pas complet sans dire un mot du fret maritime : les conteneurs certes, mais aussi le vrac sec avec le Baltic Dry au-delà de 4 500. Le marché du fret est au fond à l’image d’une économie mondiale partagée entre le rebond des échanges internationaux (+ 11 % en 2021 d’après l’OMC) et les doutes quant à la solidité de la reprise face à une pandémie qui demeure l’inconnue majeure de cette fin d’année 2021, bousculée et… passionnante !