Par Philippe Chalmin

La reine est morte… et pendant quelques jours, la vie de la planète s’est arrêtée, tournant définitivement la page d’un XXe siècle qui aura été surtout marqué par le déclin inexorable de l’Europe au fil des guerres et des crises.
Mais les crises justement ont repris leur cours. En Europe, la guerre fait rage dans les confins ukrainiens poussant Vladimir Poutine dans ses derniers retranchements avant un éventuel scénario nucléaire. Xi Jinping en profite pour avancer ses pions en Asie centrale tout en préparant son sacre lors du Congrès du PCC qui commencera le 16 octobre. Joe Biden a plus que jamais les yeux fixés sur des élections à mi-mandat qui pourraient être moins catastrophiques qu’anticipées pour les démocrates, mais qui pourraient quand même se solder par la perte de la Chambre. En Italie par contre, c’est le triomphe de Giojia Meloni et un peu partout en Europe le retour des nationalismes.
L’Europe justement reste sous le choc de la crise énergétique : certes les prix du gaz se sont repliés depuis leurs sommets de la fin août, mais il a suffi de quelques bulles en mer Baltique à partir des deux gazoducs Nordstream pour qu’ils rebondissent autour de € 200 le MWh. On parle de plus en plus de plafonner le prix du gaz : c’est chose faite dans la péninsule ibérique (autour de € 50) et au Royaume-Uni (à £ 75 et à £ 211 pour l’électricité). Mais c’est là déplacer la facture vers le contribuable (£ 40 milliards pour six mois outre-Manche) et à l’intérieur de l’UE cela induit des distorsions entre pays : l’Espagne exporte maintenant de l’électricité vers la France ! Il n’y a malheureusement pas de solution à court terme pour le prix du gaz : l’Allemagne va commencer à importer du GNL depuis les Émirats, mais nul doute qu’elle le paiera au prix fort. Le véritable chantier serait d’encadrer les prix de l’électricité voire de revenir à des prix administrés à l’échelle européenne. Mais on est bien loin et les pays européens les plus libéraux à l’image des Pays-Bas traînent des pieds. Bien entendu, la hausse des coûts de l’énergie va fragiliser les entreprises et cela explique les révisions à la baisse des prévisions de croissance pour 2023 : zéro pour l’Union européenne (et pour la France) et du négatif pour l’Allemagne et l’Italie. L’horizon est bien sombre et ce d’autant plus que les marchés financiers sont de plus en plus nerveux avec a hausse des taux longs, le volontarisme des banques centrales qui contraste avec le laxisme budgétaire de nombre de gouvernements : le Royaume-Uni est de ce point de vue un cas d’école ! La hausse du dollar contre presque toutes les devises (euro, sterling, yen, yuan) complique encore un peu la donne.
La fermeté du dollar devrait au moins avoir une conséquence positive, celle de peser sur les prix des matières premières est en effet en général assez solide. Elle conforterait une tendance, à l’œuvre depuis maintenant plusieurs mois, sensible pour la plupart des matières premières industrielles (à la notable exception de la pâte à papier), mais aussi pour les produits alimentaires (à l’exception là du café).
Ceci étant, il reste tant d’inconnues en ce début d’automne : le climat tout d’abord, surtout en Europe, mais aussi les négociations sur le nucléaire iranien qui semblent s’enliser à Vienne (il est vrai que les autorités de Téhéran ont bien d’autres soucis), la situation économique et sanitaire en Chine (et le niveau des importations chinoises de céréales), les élections au Brésil, la faiblesse européenne avec un nouvel axe Budapest-Rome…
Nous sommes bien au-delà de la simple « langueur monotone » des violons de l’automne.

Ephémérides économiques

5/9

• Liz Truss, Première ministre britannique
• Mort de la reine Elisabeth II
• Réduction de 100 000 bj des quotas de l’OPEP+
• Hausse de 75 Pb des taux de la BCE

12/9

• Voyage de Xi Jinping en Asie centrale et sommet de l’organisation de Shanghaï à Samarcande
• Nationalisation du distributeur d’énergie Uniper en Allemagne
• Annonce de bouclier tarifaire sur l’énergie en France (15 % de hausse)

19/9

• Hausse de 75 Pb des taux de la Fed
• Mobilisation en Russie
• Fermeture d’un réacteur nucléaire en Belgique
• Interventions de la Banque du Japon pour soutenir le yen
• Victoire de Giorgia Meloni en Italie

26/9

• « Fuites » de gaz sur les gazoducs Nordstream
• Tensions sociales en Iran
• Chute du sterling et crise monétaire
• Le yuan chinois au plus bas contre le dollar depuis 2008
• Accord en Europe pour le plafonnement à € 180/MWh des profits des producteurs d’électricité