Par Philippe Chalmin

Nous ne pouvions rêver de conjoncture plus propice pour la publication du trente-cinquième rapport CyclOpe tant l’attention des médias en France et dans le monde est focalisée sur les prix des matières premières. Le bois fait ainsi la une tout comme le cuivre et l’étain, le fer et l’acier, le maïs et le soja sans oublier les marchés du fret maritime, conteneurs et vrac sec.
À vrai dire, pour nombre de ces produits, il semble quand même que le pic est passé depuis déjà quelques semaines. En Chine, les autorités s’efforcent de siffler la fin de la partie et de calmer l’exubérance irrationnelle des spéculateurs locaux qui confondent souvent Chicago et casino… Sur le plan agricole, les perspectives de la campagne 2021-2022 sont excellentes, mais il faudra qu’il pleuve cet été sur les grandes plaines américaines. Les vraies tensions, avec des niveaux historiques de back wardation, affectent en fait les matières premières industrielles qu’il s’agisse des minerais et des métaux ou des produits agricoles.
C’est qu’un peu partout la reprise économique est à l’œuvre, après la parenthèse de la pandémie, tant en termes de consommation que d’investissement. La demande est là, parfois déjà supérieure aux niveaux de 2019 (le pétrole restant presque une exception). Le cas le plus emblématique est celui du bois d’œuvre aux États-Unis confronté à la hausse des mises en chantier de logement alors que la « building season » bat son plein. Les perspectives économiques (5,8 % de croissance mondiale pour l’OCDE) incitent même à l’euphorie, ce que les bouses de valeur ont parfaitement compris en allant de record en record. Alors pourquoi pas les matières premières et ce d’autant plus qu’à court terme la demande est là, que l’offre peine à satisfaire tant en termes de disponibilités que de capacités logistiques ce qu’illustre bien la hausse du fret pour le vrac sec et le maintien à des niveaux vertigineux des taux pour les conteneurs.
Le scénario privilégié par CyclOpe est qu’il s’agit là d’une surchauffe liée au rattrapage « post pandémie ». Le retour sur terre risque de n’en être que plus brutal même si son calendrier risque d’en être repoussé encore de quelques mois au gré des goulots d’étranglement qui apparaissent ça et là et puis aussi de nouvelles tensions politiques résurgentes entre la Chine et l’Australie par exemple. Il reste bien entendu le cas des produits liés à la transition énergétique dont la publication du rapport « net zéro » de l’AIE a rappelé l’urgence. Les métaux
« électriques » en sont les premiers bénéficiaires et dans cette catégorie il faut désormais aussi intégrer le cuivre, le nickel et certaines terres rares ainsi que les platinoïdes. Mais gare là aussi aux anticipations trop optimistes : les technologies évoluent et le temps industriel est un temps long… Le prochain « véritable super cycle » sera pour la prochaine décennie.
Entre-temps, c’est la situation alimentaire qui fait la une, ce qui promet d’intéressants « weather markets » cet été.
Enfin, la situation géopolitique reste dense autour de la Chine et de ses relations avec les États-Unis, mais aussi l’Australie et puis bien sûr de l’Iran et de son éventuel retour sur la scène pétrolière.
L’été s’annonce passionnant !