Par Philippe Chalmin

Qui l’eût imaginé ? Qui l’eût cru cet été encore alors que Kamala Harris dominait un Trump empêtré dans ses approximations ? Et pourtant, en ce 6 novembre au matin, c’est bien Donald Trump qui est sorti immense vainqueur des élections américaines : la majorité des grands électeurs certes et celles des « swing states », mais surtout le vote populaire (pour la première fois depuis vingt ans pour les républicains) et puis aussi le Sénat et peut-être même la Chambre des Représentants.
Il est facile d’épiloguer sur ce que furent les erreurs des démocrates et en particulier de Joe Biden dont la candidature puis le retrait trop tardif ont privé les démocrates d’une vraie campagne électorale loin des quelque 900 « meetings » tenus en deux ans par Donald Trump. Mais au-delà, il y a un mouvement de fond opposé aux dérives de ce que l’on englobe aujourd’hui dans la culture « woke » et dont Donald Trump est la parfaite antithèse. Et puis, même si l’économie américaine semble florissante, l’« Amérique d’en bas » souffre de la hausse des prix alimentaires, des loyers, des cotisations d’assurance… Donald Trump a au fond profité de ces « gilets jaunes » à l’américaine (zones rurales, latinos, noirs même) qui ont fermé les yeux sur ses excès et ses innombrables invraisemblances.
La période qui s’ouvre est faite d’incertitudes. L’administration Biden va probablement s’efforcer de sauver un peu de son héritage, en particulier en ce qui concerne l’IRA (mais qui, paradoxalement, a profité plus aux États républicains). Il y a de fortes chances ainsi que les États-Unis soient déjà en retrait à la COP29. Mais l’essentiel viendra à partir du 20 janvier avec des baisses d’impôts et des hausses de tarifs douaniers. Durant sa campagne, Donald Trump a brandi des menaces (10 % sur toutes les importations et 60 % pour les produits chinois) qu’il ne concrétisera peut-être pas en totalité s’il obtient des contreparties. Il y a quand même de fortes chances que les États-Unis quittent, d’une manière ou d’une autre, l’OMC.
En matière de politique internationale, là aussi l’incertitude est totale. L’Ukraine a perdu un soutien et c’est l’Europe qui se retrouve maintenant en première ligne, ce qui au fond n’est pas nouveau. Si B. Netanyahou a été le premier dirigeant « occidental » à féliciter Trump, il risque de trouver dans le futur président américain un partenaire plus difficile qu’il ne le pense et il n’est pas impossible que Trump réussisse là où Biden a échoué en imposant un cessez-le-feu à Gaza et au Liban. Quant à la Chine, là aussi, il ne faut pas sous-estimer la capacité de Trump à imposer et à gagner des bras de fer (on se souvient de l’accord agricole de janvier 2020, juste avant le Covid). Avec l’Europe, il aura en tout cas des marges de manœuvre en jouant des divisions et en s’appuyant sur ses « admirateurs » d’Orban à Meloni.
La moindre des incertitudes ne concerne pas la relation entre Trump et l’imprévisible Elon Musk dont l’impact et l’activisme dans les dernières semaines ont été incontestables sans parler du soutien du réseau X (ex-Twitter). Si l’on connaît le scepticisme environnemental de Trump, la présence de Musk à ses côtés pourrait renforcer au moins la cause des véhicules électriques (que Tesla fabrique en Chine…). Néanmoins, il faut s’attendre à un ralentissement de la transition énergétique aux États-Unis, notamment en ce qui concerne l’hydrogène. À l’inverse, les producteurs de pétrole et de gaz, tout comme les compagnies minières devraient avoir les coudées plus franches.
Sur les marchés à court terme, l’impact de l’élection de Donald Trump est difficile à mesurer : l’indicateur le plus sensible, le baril de pétrole a terminé la journée du 6 novembre au même niveau qu’il l’avait commencé ($ 75,4) : peut-être un peu plus de production américaine, mais aussi une consommation plus soutenue. Les marchés des métaux étaient, quant à eux, beaucoup plus influencés par le résultat de la réunion de l’Assemblée populaire de Chine et par l’annonce probable d’un nouveau plan de relance par les autorités de Pékin. C’est en fait le dollar qui a le plus réagi (+1,5 % le 6 novembre) tout comme d’ailleurs Wall Street à la perspective des diminutions anticipées des impôts sur les entreprises.
En 2020, l’illustration de la couverture du rapport CyclOpe était une fresque siennoise d’Ambrogio Lorenzetti, une allégorie du mauvais gouvernement dont le personnage central avait quelque ressemblance avec Donald Trump. Quatre ans plus tard, le voilà de retour ! À Sienne sur un autre mur, il y a une allégorie du bon gouvernement. À imaginer avec raison le pire, peut-être serons-nous surpris positivement par le quarante-septième président américain !

Ephémérides économiques

30/9

• Offensive israélienne au Liban
• Grève de quelques jours des dockers américains
• Shigeru Ishiba, nouveau Premier ministre japonais
• Feu vert européen à la surtaxe des véhicules électriques chinois
• Premier discours de politique générale de Michel Barnier en France

7/10

• Le baril de Brent à $ 80
• L’Allemagne en récession : – 0,2 % attendus en 2024 (– 4,7 % pour l’industrie au premier trimestre)
• Présentation du projet de budget français : € 60 milliards en économies et hausses d’impôt
• Menace de démantèlement de Google
• Déflation en Chine

14/10

• Dette publique mondiale : $ 100 trillions
• Réussite du retour du Starship de SpaceX
• Mort de Yahya Sinwar à Gaza
• Baisse des taux de la BCE (25 pb)
• Vote sur l’Europe en Moldavie : oui à 50,4 %
• Croissance chinoise au troisième trimestre : 4,6 %

21/10

• Sommet des BRICS à Kazan : 36 pays, 24 chefs d’État
• Record de l’or $ 2 740 l’once
• Encyclique du pape François : « Dilexit nos »
• Croissance mondiale en 2024 et 2025 d’après le FMI : 3,2 %
• Victoire des partis pro-russe en Géorgie et en partie en Bulgarie
• Défaite du PLD au Japon

28/10

• COP16 sur la biodiversité à Cali (Colombie) : 18 000 participants
• Croissance américaine au troisième trimestre : + 2,8 %
• Présentation du budget britannique : £ 40 milliards de hausses d’impôts
• Inondations dans la région de Valence (Espagne)
• Croissance européenne au troisième trimestre : + 0,4 % (trimestriel)

4/11

• Élections américaines : Trump vainqueur
• Décision de l’OPEP+ de ne pas augmenter les quotas pétroliers au 1er décembre
• Crise politique en Allemagne et éclatement de la coalition au pouvoir
• Réunion de l’Assemblée nationale chinoise et annonce d’un nouveau plan de relance