Par Philippe Chalmin

Cela fait maintenant plus de cent jours que la Russie a commencé son invasion de l’Ukraine : cent jours de guerre, d’exode, de destructions… L’Ukraine résiste au-delà de ce que l’on pouvait espérer dans les premiers jours de la guerre. L’heure est maintenant celle des sanctions et l’UE est là en première ligne. Cela concerne bien sûr les marchés de l’énergie, le gaz naturel, mais aussi de plus en plus le pétrole. La situation du gaz en Europe est curieuse : les marchés sont presque revenus à leurs niveaux d’avant la guerre et l’arrivée continue du gaz russe permet de remplir à nouveau les réservoirs pour préparer l’hiver prochain. Par contre, la situation est beaucoup plus tendue pour le pétrole et surtout pour les produits pétroliers : les prix de l’essence battent des records y compris aux États-Unis où commence la « driving season ». La sanction européenne peut-être la plus efficace est celle qui frappe l’assurance des navires transportant du pétrole russe dont les conséquences devraient monter en puissance dans les mois à venir. La crise énergétique va se prolonger bien au-delà de l’été 2022.
L’autre dossier majeur est celui des produits agricoles. Au-delà du blocage des ports ukrainiens qui bloquent les exportations pour l’essentiel, avant la récolte à venir, de maïs et de tournesol. Mais il faut ajouter à cela des embargos, décidés en général pour des raisons de politique intérieure, pour le blé en Inde ou l’huile de palme en Indonésie. Si la hausse des prix est incontestable ($ 150 la tonne pour le blé à l’exportation par exemple), la situation en Ukraine n’est pas directement responsable de ce qui est présenté comme une crise alimentaire mondiale comparable à celle qui avait frappé en 2007/2008. Les perspectives de production pour la campagne 2022/2023 restent favorables et tout dépendra en fait du niveau des importations céréalières de la Chine.
La Chine est justement l’autre grande interrogation pour la situation économique mondiale. La politique – à la limite de l’irrationnel – du zéro Covid a paralysé une patrie de la Chine dont la croissance en ce deuxième trimestre 2022 a probablement été proche de zéro, voire pire. La baisse à peu près générale des prix des métaux en est un signe.
Le ralentissement du moteur chinois intervient alors que tant aux États-Unis qu’en Europe, les perspectives économiques s’assombrissent. La hausse des taux d’intérêt va intervenir au pire moment même si elle apparaît bien nécessaire des deux côtés de l’Atlantique. Avec une inflation qui ne cesse d’augmenter, c’est bien de stagflation qu’il faut désormais parler.
La pandémie puis la guerre ont en tout cas provoqué une rupture majeure, la fin de trente années de rêve d’une « mondialisation heureuse » ; la page se tourne sur le « monde d’hier » pour reprendre le titre du rapport CyclOpe 2022 qui vient d’être publié. L’avenir sera différent…
Un dernier clin d’œil : en mai à New York, les ventes aux enchères d’art moderne et contemporain ont totalisé $ 2,5 milliards, plus que le précédent record de 2018. Le « monde d’hier » n’est pas pour tout le monde !