Par Philippe Chalmin

Alors que s’ouvre à Glasgow la forte attendue COP26, les marchés internationaux vont de crise en crise. L’automne avait commencé avec une crise énergétique partie du marché du gaz en Europe et en Asie, diffusée au charbon en Chine et plus récemment au pétrole. Ce fut ensuite, au moment de la « LME week » de fortes tensions sur les marchés des métaux avec la vedette tenue par l’aluminium et l’étain avec en prime un superbe squeeze sur le marché du cuivre. Et puis, à nouveau des tensions sur les marchés agricoles avec cette fois-ci le blé, le colza et le palme en première ligne. Ajoutons à cela la crise logistique qui perturbe les chaînes d’approvisionnement (et pas seulement pour nos cadeaux de Noël…)
Au passage, on prend aussi conscience des liens existant d’un domaine à l’autre et de l’extrême capillarité jouant entre les marchés. Ainsi, la crise énergétique chinoise provoque-t-elle en Europe une pénurie de magnésium, du fait de la fermeture de plusieurs usines affectées par les coupures d’électricité. La flambée des prix du gaz naturel va se traduire par un glissement de consommation vers le fuel, et donc le pétrole à hauteur de 500 000 à un million de barils/jour, ce qui explique en partie la hausse du prix du baril, laquelle a un impact sur les biocarburants et donc sur les marchés du sucre et des oléagineux. Mais, la hausse du gaz naturel entraîne aussi celle des engrais azotés (l’ammoniac en Europe est passé de $ 300 à $ 900 la tonne) ce qui aura bien sûr un impact sur les coûts de production agricole en 2022.
Le blé, l’étain et le charbon étaient début novembre 2021 installés sur un podium des marchés qui n’a cessé d’évoluer en une année fertile en rebondissements. Quelques constantes demeurent toutefois. La première est bien sûr chinoise. Certes, la Chine a vu sa croissance freiner brutalement, presque jusqu’à l’arrêt (+ 0,2 % de croissance entre le deuxième et le troisième trimestre). Mais il faut y voir l’impact de la crise énergétique et celui, sous-évalué, de la poursuite de la pandémie. Et la Chine continue à importer, du charbon comme du blé, et elle reste la clef principale des marchés mondiaux, une clef aux combinaisons multiples bien difficiles à décrypter et à anticiper.
Paradoxalement, la Chine se trouve quelque peu isolée du reste du monde par les défaillances de la chaîne logistique mondiale et cela aura encore un impact sur les marchés au moins jusqu’à l’été 2022.
Il reste enfin à prendre en compte l’impact des anticipations climatiques et environnementales sur la demande à moyen terme de matières premières. Que la COP26 soit ou non un succès est presque secondaire tant les évolutions en cours paraissent irréversibles. La scène énergétique mondiale devra évoluer avec de moins en moins de charbon et un rôle clef pendant au moins deux décennies pour le gaz naturel. Dans certains pays, le nucléaire pourra conserver sa place, mais l’essentiel devra venir d’énergies renouvelables à inventer tant déjà le solaire et l’éolien montrent leurs limites. Tout ceci aura, bien entendu, un impact sur la demande de matériaux et surtout de métaux : cobalt et lithium aujourd’hui, platine et terres rares demain, cuivre et nickel toujours… Mais c’est probablement l’agriculture qui subira le choc le plus important. On le voit en Europe avec les premières conséquences anticipées de la malheureuse initiative « from farm to fork », sans même parler des suites des engagements pris à la COP26 sur les émissions de méthane en ce qui concerne l’élevage de ruminants et la production de riz.
Les marchés mondiaux de matières premières et de commodités sont aux carrefours de toutes ces tensions. La litanie des crises qui se succèdent en 2021 en est bien la preuve. Le problème est d’en faire une bonne lecture !

Ephémérides

27/9

• Crise énergétique en Chine
• Fumio Kishida, nouveau Premier ministre japonais
• Inflation allemande à 4,1 % au plus haut depuis 1992
• « Libération » par le Canada de la fille du fondateur de Huawei
• Le baril de Brent à $ 80

4/10

• Croissance du commerce mondial de 10,8 % en 2021 d’après l’OMC
• Refus de l’OPEP+ d’accélérer le rythme de libération des quotas de pétrole
• Accord sur la fiscalité internationale à l’initiative de l’OCDE : 15 % minimum
• Crise « juridique » entre l’UE et la Pologne
• Flambée du gaz naturel en Europe
• Le club de football de Newcastle (RU) acheté par l’Arabie saoudite

11/10

• Le baril de WTI au plus haut depuis 2014
• L’inflation américaine à 5,4 %
• Croissance allemande de 2,4 % en 2021, selon les instituts de conjoncture

18/10

• Croissance chinoise au troisième trimestre de 4,9 % (+ 0,2 % sur T2)
• Tensions sur les métaux sur le LME
• Record pour le bitcoin : $ 66 000
• Décision en France d’allocation d’un « chèque inflation » de € 100 pour 40 millions de Français
• Déclin de la population russe de 997 000 personnes (sur 145 millions) entre octobre 2020 et septembre 2021

25/10

• Valorisation de Tesla à $ 1 000 milliards et Elon Musk, homme le plus riche du monde ($ 289 milliards)
• Des Nike Air Ship portées par Michael Jordan vendues $ 1,5 million à New York (Sotheby’s)
• Croissance américaine au troisième trimestre : 2 % (mais 1,4 % au-dessus du T4 2019)
• Sommet du G20 à Rome
• Microsoft, première capitalisation boursière mondiale

1/11

• COP26 à Glasgow
• Record du CAC 40 à Paris
• Trève entre l’UE et les États-Unis sur les dossiers de l’acier et de l’aluminium